Témoignage : Lili, 13 ans d’engagement sur le terrain
Après 13 années passées à diriger l’antenne de PLM à Antsiranana (ex-Diego-Suarez, nord de Madagascar), Lili Cukier Mehentel, 85 ans, va quitter ses fonctions. Retour sur une expérience qui l’a profondément marquée.
Votre premier contact avec PLM ?
Mon premier contact, je l’ai eu avec Michèle Didier qui était alors responsable d’antenne à Antsirabé. Elle m’a demandé de m’occuper de la communication de PLM. C’est ainsi que j’ai mis un bras dans l’association, puis le reste y est passé !
Votre plus belle expérience ?
De belles expériences, j’en ai eu beaucoup ! Mais parmi elles, il m’en vient une à l’esprit, celle vécue avec Pauline, une grand-mère brodeuse, qui élevait son petit-fils. Elle était désespérée de voir qu’il travaillait très mal à l’école. Son oncle m’a montré un petit véhicule que l’enfant avait fabriqué avec des matériaux de récupération. L’objet était formidable : une fidèle reproduction de la 4 L. même l’ouverture des portes… Face à ses difficultés scolaires et tant d’ingéniosité, je lui ai demandé s’il voulait être mécanicien. Il m’a répondu : « C’est ce que je voudrais faire ! ». Comme à Madagascar, pour un gamin en difficulté scolaire et de milieu plus que modeste, il est très difficile d’accéder à une formation technique, nous avons négocié un poste d’apprenti « bénévole » chez un artisan en mécanique auto.
A la réflexion, l’un de nos objectifs à PLM est de soutenir les jeunes du primaire à l’université. Et s’ils n’ont pas d’aptitude pour les études, de les accompagner vers un métier manuel afin qu’ils puissent s’assumer et aider leur famille.
Bilan de toutes ces années ?
Les filleul(e)s que j’ai soutenu m’ont fait grandir. A l’âge de 70 ans, j’ai dû repartir de zéro, moi qui suis pharmacien, avec une vie confortable. Au cours de mon existence, j’ai eu tout ce qu’ils ne l’ont pas. Mais j’ai trouvé chez eux une humanité et une richesse dans la solidarité qui ont remis en cause toutes mes données personnelles !
Avec eux, j’ai vu ce qu’est le sens du groupe, de l’entraide. J’ai constaté combien la personne de la mère est quelque chose de central, cela peut-être aussi une grand-mère ou une tante. Par exemple, quand Pauline, la grand-mère dont je parlais tout à l’heure, est décédée, les autres mamans de la famille ont pris en charge les enfants dont elle s’occupait. Ils sont devenus les leurs. Je pourrais aussi parler d’Oudine, que j’appelle une « tante universelle ». Elle n’a jamais eu d’enfants mais elle a élevé ceux de sa famille. Ils ont tous eu un diplôme et tous sont tirés d’affaire.
J’ai aussi beaucoup appris au niveau du langage. Là aussi, j’ai dû me remettre en cause. Un jour, j’ai rendu visite à une grand-mère et à ses petites-filles. Dans des moments pareils, j’apportai des cahiers, des crayons, une ouverture vers les études. Je me disais qu’il leur manquait peut-être un vêtement, une blouse par exemple. A la fin de l’entretien, je leur ai demandé :« Qu’est-ce qui vous manque ? ». Elles m’ont répondu : « A manger ». Cela a été un électrochoc car j’avais loupé l’essentiel, moi qui viens d’un pays où l’on mange trop et où l’on pense d’abord souvent se mettre au régime…
Je tiens à souligner que toutes les actions ne peuvent s’exercer sans la cohésion d’une équipe responsable dans une chaleureuse complicité. Martine, Dominique, Rebay et nos deux précieuses assistantes, Dalia et Raïssa .. Merci !
Maintenant, allez-vous tourner la page de Madagascar ?
Effectivement, je quitte mes fonctions à l’antenne de Diego Suarez, pour autant, je n’en ai pas fini avec ce pays. Avec mon époux, nous accompagnons encore cinq filleuls !