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Antisranana : la distribution de l’eau, un problème quotidien

Depuis plusieurs années, les pénuries d’eau potable s’aggravent à Madagascar. Elles touchent en premier lieu les populations pauvres. Témoignages sur la situation à Antsiranana (ex-Diego-Suarez, nord du pays).

« Chez moi, en pleine ville de Diego, nous n’avons de l’eau au robinet que tous les trois jours. La situation est la même aux bornes-fontaines du quartier, où s’approvisionnent ceux qui n’ont pas de robinet », raconte Dalia, assistante de l’antenne de PLM, interviewée en septembre 2025.

Il faut dire que de juin à septembre, la sécheresse règne sur Madagascar, ce qui complique considérablement l’approvisionnement en eau. Pendant la saison des pluies, de décembre à avril, cet approvisionnement est plus facile. Mais même à cette époque, la population malgache reste confrontée à des pénuries. Notamment en cas de fortes précipitations qui désorganisent la vie quotidienne et compliquent la distribution de l’eau.

Autre problème : les fuites sur le réseau de distribution. A Antananarivo, la capitale, « 40 000 m3 d’eau potable, soit 20 % de la production, se perdent quotidiennement à cause des fuites sur les conduits de distribution souterrains » de la ville, selon la Banque mondiale à Madagascar citée par Le Monde. L’eau est distribuée dans le pays par la Jirama, une entreprise publique qui distribue également l’électricité. A Antsiranana, elle provient notamment de la rivière Besokatra, qui coule à plus de 1000 mètres d’altitude dans la commune de Joffre-ville située à une trentaine de km. Apparemment, la ressource reste insuffisante pour les besoins de la grande cité.

Mais les pénuries ne sont pas les seules difficultés rencontrées par les habitants. Quand elle est directement puisée dans la nappe phréatique, l’eau est polluée par les eaux usées « rejetées directement et sans traitement dans le milieu naturel ». « L’eau arrive très sale dans les quartiers. Elle est notamment remplie de boue et de beaucoup d’autres choses comme des morceaux de bois, des feuilles », constate Dalia. Bue sans être filtrée, elle donne « diarrhées et démangeaisons », ajoute-t-elle. PLM fournit des filtres aux 85 familles que l’association parraine à Antsiranana. Problème : un filtre peut seulement purifier quatre litres d’eau. « On est donc également obligé de faire bouillir l’eau ou de la laisser reposer dans un récipient pour que les saletés se déposent au fond », explique l’assistante de PLM. Précision : les filtres ne sont pas utilisés pour la toilette.

Bornes-fontaines
Ceux qui n’ont pas de robinet chez eux doivent aller chercher le précieux liquide dans les fontaines de leur secteur urbain, gérées par les chefs de quartier. Ou alors à un robinet installé dans des cours d’immeuble privés. Dans le premier cas, l’eau est vendue 50 ariarys le bidon de 20 litres. Dans le second cas, on la paye 100 ariarys pour la même contenance. « Dans les cours, le système marche mieux car on est dans une propriété privée et les horaires sont plus étendus », raconte Marie-Ange, maman de trois enfants de 11 à 3 ans, famille parrainée par PLM. Même si elle est deux fois plus chère, l’eau y est donc plus facile d’accès.

Après avoir rempli leurs bidons, les mamans font ensuite des allers-retours à leurs domiciles avec des seaux pour transporter l’eau dont leurs familles ont besoin. La consommation de chaque famille dépend évidemment de sa composition. A titre d’exemple, celle de Marie-Ange consomme environ six bidons par jour.

Cette dernière est responsable d’une borne-fontaine dans son quartier de Ambalavola à Diego. Sa fonction est de surveiller le bon déroulement de la distribution et d’encaisser le prix des bidons. Payée 80.000 ariarys par mois, elle doit également travailler comme vendeuse de galettes dans une petite école pour pouvoir élever ses trois enfants.

Marie-Ange

Sa fontaine ouvre de 6h à 11h30 et de 14h30 à 17h30 plusieurs fois par semaine. L’affluence est surtout importante l’après-midi. Les protestations fusent parfois quand il y a de l’attente. La distribution peut en effet être perturbée par des coupures ou des problèmes de pression. « Quand l’eau est sale, notamment pendant la saison des pluies, il y a toujours des débris qui bouchent les tuyaux et coupent la pression. Je dois alors faire venir quelqu’un pour les déboucher », note Marie-Ange.

Dans certains quartiers, « la distribution ne peut parfois se faire que la nuit ou au petit matin », raconte Dalia. La responsable de la borne doit alors veiller pour contrôler régulièrement si l’eau arrive ou pas. Elle informe ensuite les habitants du secteur qui se transmettent l’information et interrompent leur sommeil pour s’approvisionner.

Une situation qui complique un peu plus le quotidien des habitants d’Antsiranana, comme celui de la population de la capitale. Dans le même temps, les coupures d’électricité se sont aggravées et sont quotidiennes. Comme l’observe un habitant (d’Antananarivo) cité par l’article du Monde, « l’électricité, on peut s’en passer, mais l’eau c’est la vie »…

Laurent Ribadeau Dumas

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